SI DEMAIN VIENT
SI DEMAIN VIENT
Je ne dirai rien
Emmuré
Reclus
Broyé dans la coursive
Je commencerai
Par découper le silence
Au laser de mes désirs
Et puis les menottes des rires perdus
Je commencerai
Par être un sac vide
Une ouverture
Un émerveillement
Pas un refus juste un sourire
Sur la bouche du jour
Sans un mot pour être au diapason
Des autres qui viennent et vont
Entre les perches du temps
Sur le pont rouillé
Je commencerai nu
Pour n'avoir rien à emporter
Pas même l'air que j'inspire
Je serai une fugue
Sous les doigts du vent
Pour renverser le sommeil dans son duvet
Je ne veux rien emporter
Sur le bateau à vivre
Je trouverai tout là-bas
De l'autre côté du chagrin
Là où le sable ne déserte pas la plage
Pour manger la terre
Je commencerai
Par repousser le noir
Loin des frontières
Loin de mon dos meurtri
Je traverserai un souffle
La main tendue en aveugle
Je ne veux pas voir
Que personne ne m'attend
De l'autre côté de l'espoir
Je n'ai rien emporté
Ou tout sans le savoir
Qui a dit que le désespoir n'existe pas ?
Celui-là ne connaît rien du noir
Dans le hublot au ras des flots
Si la mer ne m'avale avant l'aube
Je commencerai
Par prendre la chair de la rive
Je m'enroulerai dans sa peau
Dans l'odeur de sa peau
Je n'ai rien emporté
Que ma couleur pour me draper
Et puis les larmes qui baignent mon ventre
Jusqu'au bord du dire
Quand le bateau ouvrira la terre demain
Si demain vient
Si le jour n'aboie pas dans le vide
Si je n'ai pas touché le fond de cette mer sans rives
Je hisserai ma parole au dernier mat de lumière
Que me reste-t-il d'autre
Que cet entêtement à dire à nommer à écrire
Dans cette boîte rouillée à la dérive
Entre ces corps serrés dos à dos
Ventre à ventre ?
Que me reste-t-il d'autre que ces mots
Pour pleurer la transparence d'un visage
Même frappé d'amnésie
Si demain vient, qui sait
Si demain vient
Je commencerai
L'inventaire de mes rires à venir
Pour nourrir le brasier du jour
Claude Donnay
9/10/2016